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L’histoire que l’on porte

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Histoire du monde, par John Morris Roberts et Odd Arne Westad, 1. Les âges anciens, 445 p.; 2. Du Moyen Âge aux temps modernes, 495 p.; 3. L’âge des révolutions, 585 p.; Perrin.

Histoire du monde, par John Morris Roberts et Odd Arne Westad, 1. Les âges anciens, 445 p.; 2. Du Moyen Âge aux temps modernes, 495 p.; 3. L’âge des révolutions, 585 p.; Perrin.

Les infos vous dépriment? Déposez vos téléphones à écran et reculez de 100 000 ans! Il n’y a pas meilleure façon de prendre une distance nécessaire face aux guerres, au terrorisme ou aux catastrophes naturelles.

L’Histoire du monde, c’est la vôtre et la mienne. Elle débuta inopinément quand nos lointains cousins se sont séparés des grands singes en Afrique. Il en existe plusieurs versions, dont une anglaise de 1 525 pages qui vient de paraître en traduction, rédigée à grands traits, avec humour et arrogance, par John Roberts, un historien célèbre, et son confrère norvégien Odd Westad. J’ai lu les trois tomes — division arbitraire s’il en est: ils contien­nent des trésors d’information et de grandes leçons pour aujourd’hui.


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«L’histoire est le seul domaine où il est impossible de commencer au commencement.» Vrai, on ne sait pas comment se comportaient les premiers hominidés; les historiens doivent se fier aux archéologues et paléoanthropologues. En présence de crânes et parfois de simples mâchoires, les scientifiques évoquent l’Homo erectus, l’Homo habilis, la sélection des partenaires sexuels, le moment de la maîtrise du feu et de l’apparition du langage. En somme, l’historien avance des hypothèses, mais pendant des milliers d’années, le savoir technique s’accumule, des pierres polies au bronze et au fer, l’aventure progresse. Un jour apparaît clairement un prédateur, végétarien puis carnassier, cannibale et guerrier, l’Adam de la Bible si l’on veut, ou encore l’homme de Néandertal. Or, son successeur, Homo sapiens, lui aussi venu d’Afrique, va en quelques siècles proprement l’éliminer. C’est le début de l’histoire.

«Il y a 10 000 ans, la terre ressemblait beaucoup à ce qu’elle est aujour­d’hui. Les continents avaient à peu près l’aspect que nous leur connaissons», rappellent les auteurs. Les hommes occupaient déjà la terre sur différents continents de différentes manières, avec des épidermes diverse­ment colorés et des formes crâniennes distinctes. Les situations étaient inégales. Certains appartenaient à des tribus de chasseurs-cueilleurs, d’autres, favorisés par le climat et la géographie, disposant de milieux humides et de pâturages, savaient accumuler des réserves de nourriture. Si vous viviez entre le Tigre et l’Euphrate, vous étiez davantage en mesure de créer une première cité digne de ce nom, Sumer, que les habitants des terres de Sibérie.

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Nos ancêtres primitifs mettront du temps à se civiliser, le processus passant par des conflits armés. Disons que 4 000 ans av. J.-C., l’humanité se trouvait au seuil de la civilisation (en Irak!). Selon Roberts et Westad, aux alentours de l’an 3100 apparaît une deuxième civilisation, en Égypte, et de même en Crète 1 000 ans plus tard. «À partir de cette époque, nous pouvons cesser de nous demander qui a précédé qui, dans cette partie du monde.» Simul­tanément, plus à l’est, naît en Inde une société dotée d’une maîtrise relative de l’écriture. La première civilisation chinoise se dessine légèrement plus tard, peu après 2000 avant notre ère. Un peu plus tard encore s’établissent, vers 1500 av. J.-C., les Mésoaméricains.

Nos historiens disposent enfin de documents authentiques, datant de 3 000 ans avant notre ère, quand les Sumériens inventent l’écriture. Le plus vieux récit du monde, l’épopée de Gilgamesh, écrit vers 2000 av. J.-C., évoque le premier héros de la littérature mondiale et rapporte qu’un déluge a failli détruire le monde humain, sauvé par la construction d’une arche. Quand des barbares s’installent, ils édifient de nouveaux temples sur les ruines des anciens et s’emparent des mythes. En réalité, les dieux, fruits de l’imagination humaine, sont parfaitement interchangeables.


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Pour les Grecs, «les barbares, c’est le reste du monde». Leur panthéon donne à rêver: si les dieux et déesses ressemblent à des êtres humains, les hommes peuvent ressembler à des dieux. Démocratie, astronomie, pédagogie, philosophie nourrissent notre pensée depuis cette époque. Mais pour le meilleur et le pire, Rome remplace Athènes. Les Juifs, qui se sont dotés d’un dieu unique, donnent naissance à une secte qui, évoquant la résurrection de son prophète, part à la conquête des peuples européens. De martyr en martyr, la secte chrétienne deviendra religion d’État. On change de calendrier, nous voilà désormais après Jésus-Christ. Pendant ce temps, l’Inde vit un polythéisme éblouissant, et la Chine mystérieuse et autoritaire se laisse séduire par le confucianisme.

Roberts et Westad tiennent compte de l’Eurasie, façonnée par les hordes nomades. Ils racontent la naissance et les conquêtes de l’Islam jusqu’en Chine et son influence fondamentale dans la construction de l’Europe. Pendant 15 siècles, les puissances politiques s’affrontent et se succèdent les unes aux autres. C’est l’Occident, dont les explorateurs du XVIe siècle dessinent la carte des continents, qui donne un sérieux coup d’accélérateur à l’histoire. «Jérusalem cesse d’être le centre du monde.» Le commerce international s’intensifie à coups de canon et sur le dos des esclaves. Les pays dont les rives donnent sur l’Atlantique amorcent une révolution mondiale et la Grande-Bretagne en sortira gagnante, accouchant involontairement des États-Unis d’Amérique. Disons que la place du Canada français dans l’Histoire du monde est modeste, mais si l’histoire n’a pas de début, elle n’a pas non plus de fin, tout peut arriver.

Que concluent les auteurs à long terme? Trois évidences: le rythme des changements techniques s’accélère, l’expérience humaine perd de sa diversité et les hommes maîtrisent de mieux en mieux la nature. Au fait, que racontent les journaux ce matin?

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